L'installation "UN PEU, BEAUCOUP..." présentée à l'exposition " Adolescences, intensités sous silence", basée sur le don de cheveux, a bien fonctionné. La quasi totalité des sachets vides a été remplie de cheveux offerts par les visiteurs de l'exposition, ou des passants intrigués par ce mur visible de la rue.
Sollicitées par ma discrète demande de participation au processus créatif de l'installation, ces personnes ont accepté de renoncer à une partie d'elles- mêmes. Elles ont fait don d'un peu de leur corps. Elles ont surmonté la peur de la perte ontologique & anthropologique qui surgit avant de faire cet acte.
Quel sens trouver à ce don?
Librement effectué, différent de l'oblation exigée par la religion chrétienne¹, qui est faite par sacrifice, le don crée du lien. Donner c'est échanger.
La relation à l'autre est au centre de l'acte de donner. Quand je donne , je porte attention à autrui. J'ai été sollicitée, je ne reste pas indifférente, je suis touchée, je répond par un geste de don.
Donner c'est aussi recevoir. J'éprouve du plaisir à donner par ce que j'ai le sentiment de recevoir quelque chose en retour. Je m'enrichit en me dépossédant.
Le don du corps n'est pas forcément utilitaire². La danseuse donne à voir son corps & procure de la joie au public. Tout comme j'offre mes cheveux à la vue des visiteurs & provoque en eux certaines émotions. Ce don là est un don qui n'oblige pas celui qui le reçoit à rendre quelque chose.
Même dans le processus de cette installation, mon invitation à donner de ses cheveux n'est une possibilité offerte au spectateur. En aucun cas il est contraint de le faire. Je lui propose un espace de don qu'il est libre d'occuper s'il le veut.
En acceptant, il fait circuler quelquechose qui va nous relier, ainsi que tous ceux qui l'ont fait avant & qui le feront après lui. Avec eux il fait le dépassement de l’expérience de la perte. Perte au sens fort puisqu'elle touche à l'intégité physique du donneur.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette installation qui proposait de faire don d'un peu de ses cheveux, a prouvé qu'il possible d'ouvrir une brèche dans les murs que chacun s'est construit pour se protéger. L'individualisme, l'égocentrisme et la peur de l'autre ne règnent pas sans partage sur les rapports humains. Il existe d'autres voies à suivre & d'autres voix à écouter.
Des images de ce geste de don sont à voir sur : www.lecolebuissonniere.org
¹ : comme le rasage des cheveux lors des voeux pour entrer au monastère.
² : comme donner ses cheveux pour fabriquer des perruques pour les malades suivant des traitements chimiothérapiques.
